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Il n'est pas de montagne plus haute que les marches de l'oubli

Belgique2

   l'abbé Michel Fagot(1922-2004)


En 1976, je me trouvais dans un restaurant de La Louvière avec une amie.
Derrière nous se trouvait un prêtre attablé.Je le connaissais de visu.
Nous entamâmes la conversation:  "Je vous ai déjà vu ?  Mais oui, monsieur l'abbé, je suis professeur à ...
 Madame, mettez un verre à ce jeune couple'"


Michel Fagot faisait naître une amitié pour 30 ans.
J'ignorais qu'il était, depuis toujours, le grand ami de l'abbé Marc Selvais...
J'ignorais aussi que 2 ans plus tard, le soir de mon mariage, la première étape de mon voyage de noces s'arrêterait chez lui dans son chalet des Houches...



"Il est de ces douleurs qui ne neigent qu'à l'intérieur".

Michel Fagot et l'abbé Selvais nourrissaient des qualités communes:

la culture latine, le souci du travail bien fait, le perfectionnisme dans l'organisationnel, la passion  de l'écriture, l'écoute des jeunes, le talent des maîtres dans l'art d'enseigner.



Que de fredaines  avec cet homme hors du commun! Que d'amitiés partagées ! Que de souvenirs ! A l'inverse de l'abbé Selvais qui vivait dans les murs de son école, Michel Fagot s'épanouissait à l'extérieur dans le monde de l'alpinisme.Très tôt, il s'était épris d'escalades à Freyr. (Dinant)Il se lança dans de grandes cordées dans la vallée de Chamonix.puis il devint un administrateur actif au C.A.B., mais aussi son secrétaire, le principal animateur de la section du Hainaut, le rédacteur et l'éditeur du bulletin d'information , ancêtre du Roc & Glace.Il a assumé toutes ces fonctions jusqu'à son détachement à l'A.D.E.P.S. pour le club alpin en 1976.


Pendant les vacances d'été, il s'évadait vers la montagne.En compagnie de son ami, le guide Cabri (Jean Thérond), il réussit de très belles courses comme la face nord des Drus et , en cordée de trois avec Simon Michaux, la face nord de l'Aiguille Verte par le Nant Blanc.Ceux qui ont connu les piolets et les crampons des années cinquante peuvent apprécier l'exploit.



La montagne, les grandes courses l'avaient tellement ébloui qu'il voulut offrir ce bonheur à un plus grand nombre.Dans la revue de C.A.B. de 1960 on pouvait lire: "A Chamonix , il y aura un gîte sous le toit".C'était l'ébauche du fameux camp des Houches.


Très vite, grâce à ses relations dans la vallée, il découvre une grande maison près de l'église des Houches.L'école paroissiale n'y occupe qu'une pièce.Michel ne pouvait espérer mieux; après les aménagements indispensables, il y accueillera les alpinistes en juillet et en août pendant trente-six ans...

Michel veillait scrupuleusement à ce que personne "ne force le destin", comme il disait.Sa devise aurait pu être : "l'homme qui convient dans la course qu'il maîtrise parfaitement".



Il coordonnait aussi les réunions préparatoires aux courses assurées chaque jour par un bon guide de Chamonix (Gérard Devouassoux, Georges Payot): distribuer les tickets de téléphérique, réveiller les cordées de la première benne, vérifier le retour de chacun, alerter le P.S.H.M. à chaque retard inquiétant, réprimander adroitement les quelques potaches que comporte tout rassemblement humain.

Pendant longtemps, et je fus un témoin privilégié, Michel multipliait les démarches et courait les ministères pour obtenir les subsides nécessaires au bon fonctionnement du camp.

Il a ainsi offert les clefs de la haute montagne à des générations d'étudiants peu fortunés.

Lors de la messe de funérailles, son piolet gisait sur son cercueil, il fut transmis à un jeune et dynamique successeur;  le camp des Houches s'appelera désormais:

 "le gîte Michel Fagot"


Avec Michel, j'ai partagé des moments privilégiés: que de cabrioles, que d'aventures!

On racontera toujours qu'un jour, ayant perdu tes clefs pour rentrer dans ta chambre de mon collège, tu décidas d'escalader le mur d'enceinte dans l'obscurité, tu grimpas... tu sautas ...et tu te retrouvas ...à califourchon sur... le dos de la Vierge! (statue)



Je me souviendrai toujours que tu me chargeais d'aller remettre tes tiercés dans une agence de tiercé et que tu me laissais 10% de tes menus gains.


Un lundi matin, tu étais ravi d'avoir gagné pour la première fois :  sur 20 chevaux partants, tu avais misé sur 18 d'entre eux!


Le samedi 14 avril 1979, je pénétrai dans ton bureau à la pause de 10 heures, tu avais déjà préparé ton tiercé mais tu étais indécis, tu me demandas le jour que nous étions, tu me dis de mettre le n°14, puis celui du mois, le n° 4 puis tu cherchas dans le soir le favori des pronostics, le n° 17 et je partis jouer cette combinaison en "combinaison complète (1fois dans l'ordre et 5 fois dans le désordre pour 60 FB
Dès 16 heures scotchés à nos postes radios, nous apprîmes les résultats de la 7ème course: 4-17-14 ce qui nous permit le lendemain d'empocher 26000 FB.
Nous avions choisi le Vî-Stou ce soir là pour une libation générale...


Quelques mois plus tard, nous décidâmes de quitter ce sport pour nous lancer dans une nouvelle aventure, plus vraie et plus haletante: direction Sterrebeek, le champ de courses!

Quel plaisir tu prenais à jouer l'"aficionado"  en analysant les quelques caractéristiques chevalines et poulinières dans le paddock.Tu parvins même à remarquer que lors des courses où se présentait un bel étalon drivé par une femme jockey, le couple avait toutes ses chances de figurer en très bonne place à l'arrivée et même de gagner la course.
Immédiatement, tu me déléguais chez les bookmakers pour parier sur le succès et nous réussîmes souvent dès que les 2 conditions sine qua non
étaient réunies.



Tu m'enmenais souvent à ton restaurant favori "La Carriole" à Bruxelles. Un soir, après le restaurant, nous nous étions offert le luxe de nous aventurer  au "Crocodile Club" sous Manhattan dans un palace aux mille et une nuit, entourés de
cheiks et de sultans...
 



Tu fus même " inquiété" un jour car l'entrepreneur B. de Charleroi était l'amant de la patronne et il avait entreposé tous ses livres de comptabilité à l'étage de la Carriole jusqu'au jour où  il y eut une perquisition, poursuivi qu'il était dans une faillite frauduleuse.On interrogea tous les clients habituels...


Que de fois je devais le matin tambouriner au mur de ta chambre pour te réveiller, sans compter ce soir-là où nous nous endormîmes dans ma voiture devant mon collège et où nous fûmes réveillés par le tram du petit matin!



Je sais que lorsque tu descendais sur Bruxelles et qu'il n'y avait plus de train pour La Louvière, tu regagnais tes pénates à l'hôtel "Le petit Coq" près de la gare centrale...

Chez moi, tu y avais ta chambre,
détaché complètement à Bruxelles, descendant sur ta ville pour y retrouver tes amis, tu te plaisais à rentrer le soir dans ma famille autour d'un bon repas.
Parfois, j'étais obligé de faire l'aller-retour La Louvière- Bruxelles pour aller rechercher tes médicaments pour le coeur...les prémices de l'Alzheimer...



Lorque tu t'installas dans ton appartement de Bruxelles, tu te meublas à neuf; j'héritai , à cette occasion,  de tous tes meubles.Je remis un nouveau papier peint, des spots hyper tendance, un tapis-plain laine berbère ...transporté de La Louvière vers Bruxelles à coffre ouvert...



Et c'est ainsi que tu y recevais souvent un certain Marc Selvais qui te posait la question pernicieuse: "Mais qui t'a installé ainsi? " "Mais c'est mon ami..."
Je devine l'admiration des 2 hommes pour ce talent inconnu de professeur-décorateur...



   "Michel, il n'est pas de montagne au delà des vents, plus haute que les marches de  l'oubli..."




27/03/2007
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