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Il n'est pas de montagne plus haute que les marches de l'oubli

Evolution de la famille à Dakar

INTRODUCTION

 

L'Afrique possède, enracinée au coeur de sa culture, une perception aiguë de la réalité familiale; Le phénomène nouveau est l'apparition, au coeur de ces sociétés traditionnelles, de villes modernes dont tout découle et tout converge également. La famille subit une mutation profonde et se trouve tout en découle et tout y converge. Confrontée à ce processus d'urbanisation est ébranlée dans ses bases et sa finalité.

 

Cet article se propose d'y envisager les caractéristiques et le comportement de la famille à Dakar, en essayant d'en déceler la spécialité urbaine et les nouvelles tendances. Les données proviennent principalement d'une enquête démographique sur la fécondité menée P Dakar par la section de Démographie de l'ORSTOM. Nombreux éléments sociologiques sur la fécondité et la famille. Elle a permis de dégager de L'impact de l'urbanisation sur la famille est examiné ici à Dakar, après avoir présenté la place et la vie de l'enfant puis la jeune fille et le mariage, la vie familiale dans ses différents constituants est abordée: le cadre de vie et particulièrement l'espace, les structures matrimoniales oh prédomine la polygamie, les relations conjugales qui placent la femme en situation de dépendance; la fécondité, plus forte ici qu'en milieu rural, confirme la femme dans son rôle reproducteur, enfin les activités de chacun oh la préoccupation essentielle est d'acquérir un revenue monétaire pour vivre et supporter la compétition intense créée par la ville. Les mécanismes traditionnels qui régularisaient la famille. Les sociétés traditionnelles semblent ici inadéquats ou débordés.

 

 

La cellule familiale cherche actuellement son identité et équilibre.

 

LE CADRE DE VIE

 

Le Cap-Vert constitue l’agglomération de Dakar; sa superficie est de 550 km2 et sa poipulation est estimée en 1971 à 700.000 habitants. taux moyen d’accroissement se situerait autour de 7%, se partageant par moitié entre accroissement naturel et migratoire. Le centre ville, de type occidental, est entouré de nombreux quartiers populaires et d’habitat spontané qui s’étendent fort loin. Sept Dakarois sur dix vivent dans des maisons rudimentaires recouvertes de tôles. pièce à coucher oû s’entassent une moyenne de cinq personnes. 60% des habitations ne comportent qu’une seule Le cadre de vie de la famille à Dakar est ainsi bien différent de celui où évoluent les structures familiales traditionnelles en zone rurale. familiale est une des contingences majeures de ce cadre de vie. L’espace, c’est-à-dire la zone attribuée à chaque cellule En effet la famille, en général plus nucléarisée qu’en brousse, ne dispose que d’un logement particulièrement exigu et d’une petite cour. En brousse la famille (famille élargie) dispose de son carré, des aires de pâturages pour le troupeau, de ses champs de culture, etc. L’espace est alors communautaire, et chaque endroit est inscrit dans la tradition et la vie de la famille.

 

L’ENFANCE

 

Que ce soit en ville ou en brousse, les enfants occupent une place centrale dans la vie de la famille. La vie du ménage est dans une très large mesure conditionnée, sinon déterminée par la présence des enfants. A Dakar, 80,3% des accouchements ont lieu à l’hôpital ou dans une maternité en présence d’un médecin ou d’une sage-femme et le domicile même ne jouent plus le même rôle qu’en brousse dans cet événement qui est au coeur de la culture traditionnelle. La famille à quelques exceptions près, l’allaitement maternel reste de règle. se prolonge en moyenne jusqu’à 18 mois à Dakar contre 24 mois en brousse. Du fait de l’allaitement prolongé au sein et des carences alimentaires qui commencent dés la fin de la première année, une malnutrition quasi-générale des enfants apparaît entre 1 et 3 ans. d’hygiène et de puériculture s’efforcent d’aider les mères pour cette période, mais les traditions restent fortes. De petits centres Vers trois à quatre ans, le jeune enfant doit se débrouiller seul; il a souvent été supplanté par la venue d’un nouveau bébé qui réclame les soins de sa mère.

 

LA JEUNE FILLE ET LE MARIAGE

 

La jeune fille, dès son plus jeune âge, est préparée au mariage. La pression est forte, et une femme non mariée est un poids pour sa famille, voire une honte. La puberté 1 Dakar pour les filles se situe 2 14,3 ans en moyenne; dès cet âge la famille essaie de la marier au plus vite. Elle se trouve alors peu libre de ses mouvements car, pour les parents, la conservation de la virginité est très importante. sexuelle n’est autorisée avant.le mariage. dessiner une évolution puissante et rapide sur ces problèmes dans les milieux lycéens à Dakar. De façon formelle aucune relation Dans la pratique, on voit se Pour la jeune fille, c’est peu sa mère qui lui indique les mécanismes de la fécondité et les conditions de sa vie conjugale future; elle se contente principalement de mise en garde. plus ou moins bien informée de ces problèmes intimes par ses aînées ou ses amies. jeunes filles non averties sur ces questions. Elles sont dans l’ensemble au courant de ces problèmes, de la contraception et des possibilités de se faire avorter. La jeune dakarroise rêve de s’émanciper rapidement et de vivre une vie à l’occidentale, libérée des contraintes de la polygamie et des multiples grossesses. Plus de 80% veulent choisir elles-mêmes leur conjoint. Elle veut de plus en plus construire sa vie elle-même Mais la réalité est finalement encore très traditionnelle. L’âge au premier mariage à Dakar est de 17 ans. 50%  des jeunes mariées estiment que ce sont leurs parents qui ont choisi leur conjoint.  Leur conjoint est beaucoup plus âgé qu’elles. Les jeunes filles, qui sont en général contre la polygamie, n’ont souvent pas le choix et lorsqu’elles l’ont, elles cherchent d’abord un mari qui a de l’argent, qui puisse leur faire vivre une “grande vie” (tissus, bijoux, sorties ...); général polygames. situation anormale; mariées, à 35 ans elles le sont toutes.  Les rituels du mariage sont restés en général très traditionnels et ce sont les parents qui règlent tout depuis les fiançailles;  de la dot et des cadeaux, le mariage, coutumier la plupart du temps, et le “djebeZee” c’est-à-dire cette fête, distincte du mariage, où la femme rejoint son mari. Ainsi depuis sa puberté la jeune fille subit; elle est cantonnée dans son rôle d’épouse potentielle. fois mariée, elle continuera à subir, esclave de son rôle reproducteur

 

LES SITUATIONS MATRIMONIALES ET LES RELATIONS CONJUGALES

 

La nuptialité joue un rôle important dans la constitution et la reproduction de la famille. Elle se caractérise à Dakar par une polygamie qui reste importante, cependant qu’une certaine évolution se manifeste. Pour l’ensemble des femmes mariées de 15 à 54 ans 51,8% sont dans des ménages monogames 33,7%  où il y a 2 épouses 10% 3 épouses 4= A 60 ans les hommes ont 1,9 femmes en moyenne  En moyenne la femme a 12 ans de moins que son mari. C’est dire combien les seconde ou troisième épouses sont prises jeunes par des maris parfois âgés. qui permet la polygamie dans d’aussi fortes proportions. au premier mariage pour les femmes étant 17 ans, Dans les jeunes générations, on trouve assez souvent des femmes qui ont un niveau d’instruction supérieur à celui de leur mari. 25% des femmes de 15-19 ans 8% des femmes de 20-24 ans 3% des femmes de 25-29 ans. Cela est.dû à l’amélioration rapide de l’instruction jouant sur l’écart de génération entre les conjoints. Lorsqu’on examine les situations matrimoniales des femmes par âge  on constate une très forte proportion de femmes mariées, une proportion de divorcée précoce et sensiblement constante à partir de 20-24 ans, ce qui signifie que les femmes se remarient pour la plupart, et enfin un veuvage qui, augmentant sensiblement à 45 ans, montre que les femmes veuves et infécondes éprouvent quelques difficultés à se remarier à cet âge. Ces différents aspects de la vie matrimoniale ont de fortes répercussions sur la vie des femmes et leurs activités . L’âge moyen au premier divorce, particulièrement jeune, est 21,l ans. Les femmes se remarient en moyenne 26 mois plus tard. Quant à l’âge au premier veuvage il est de 28,9 ans.  I1 est assez bas du fait Les femmes se remarient alors en moyenne 31 Lorsque l'on étudie les liens de parenté du chef de ménage avec les femmes , on constate que les célibataires et les jeunes divorcées habitent chez leur père. femmes mariées n’habitent pas chez leur mari; polygame, le mari établit parfois sa femme dans une concession qui lui est réservée. l’accroissement régulier avec l’âge des femmes qui sont elles-mêmes chef de ménage, ce qui n’est pas sans incidence sur la vie de la famille.  La vie matrimoniale des hommes est un sujet dont les femmes ne peuvent parler avec leur mari et tout se joue au niveau de la jalousie entre les femmes. En régime polygamique, l’homme est tenu par le droit coutumier d’avoir des relations égales avec chacune de ses épouses - en principe à Dakar un roulement de 2 jours pour chacune. enclin à délaisser sa première épouse, usée à un âge précoce par les travaux ménagers et plusieurs maternités en faveur de la seconde Mais la femme sénégalaise est fière et n’en laissera en général La jalousie semble le lot de tous les Les hommes ont donc leur vie sexuelle à eux et les femmes sont seules, très seules, pour résoudre leurs problèmes de tous ordres. Le plaisir sexuel est l’apanage des hommes:, et la régulation des naissances,  est un sujet tabou.

 

LA FECONDITE

 

Pour la famille africaine le mariage n’a de sens que si la jeune femme met au monde dès les toutes premières années de mariage, sinon elle est bien vite rejetée ou bien éventuellement sa belle famille se charge de lui trouver une épouse, de préférence plus jeune, capable de perpétuer la famille. A Dakar l’intervalle moyen entre le premier mariage et la première naissance vivante est de 13 ans pour les générations 1942-46 et 9 ans pour celles de 1947-51. Une femme stérile est une malédiction pour sa famille, car elle se révèle inapte à remplir son rôle social. cependant stériles. célérité à se montrer féconde mais aussi par l’intensité de cette fécondité.  L’homme en effet tire une fierté certaine d’une nombreuse progéniture qui lui confère un brevet de virilité. don de Dieu et l’homme veut, pour être en harmonie avec sa foi et ses traditions, mettre au monde le maximum d’enfants surtout mâles qui assureront sa descendance. la polygamie. L’enfant est perçu comme un C’est l’une des justifications masculines de Pour mieux plaire 2 leur mari les femmes rivalent pour avoir des enfants et il n’est pas rare de voir des femmes, mères d’une famille déjà nombreuse, aller consulter des médecins ou des marabouts pour avoir d’autres enfants, parce que leur Co-épouse va en avoir plus qu’elles. D’autres parmi la minorité qui utilise des moyens contraceptifs modernes, cessent brusquement de prendre la pilule ou se font retirer leur stérilet pour la même raison. En milieu rural, l’enfant peut constituer un apport économique non négligeable: il peut garder le troupeau, aider à la culture et aux travaux domestiques etc... avoir le maximum d’enfants qui pourront l’aider. Aussi  Ce schéma demeure en ville malgré l’apport économique négatif que représentent les enfants. assurance contre les incertitudes et les risques de la vieillesse.  Du fait de la précocité au mariage des femmes, mais surtout du temps d’allaitement plus court à Dakar (18’9 mois) qu’en brousse (24 mois), la fécondité se trouve particulièrement élevée. Le taux de fécondité générale du moment est de 205’/00 et la descendance finale 6’5 enfants. Or, la mortalité générale est particulièrement faible à Dakar  Le taux de natalité se situe autour de 49’100. fait de la répartition par âges, de l’infrastructure médico-sanitaire et par voie de conséquence du faible taux de mortalité infantile 55’/00. Le taux de mortalité générale est ainsi de 14”/00. taux d’accroissement naturel de 3’5% particulièrement fort (doublement de la population en 20 ans). Il en résulte un Les intervalles entre naissances successives reflètent ce phénomène.  L’intervalle moyen entre grossesses quel que soit leur devenir est de 30’2 mois (5591 intervalles). On peut imaginer de ce fait tout ce qui en découle comme charge maternelle pour les femmes.  La charge de ses enfants varie en nombre avec 1’âge et on estime que les femmes de 35-39 ans ont donc en moyenne 5 enfants qui résident actuellement avec elles et dont elles ont la charge.

 

LES ACTIVITES ET LES ROLES

 

La famille à Dakar a perdu ses activités rurales et se préoccupe principalement de sa subsistance par un revenu monétaire. En brousse l’agriculture fournit une grande part d’auto-subsistance; autre part provient du troc;  En ville, par contre, la famille est directement tributaire de l’argent. Le revenu se trouve être vital pour la survie de la famille. L’homme essaie de trouver un emploi quel que soit et s’y adonne complètement de peur de le perdre. Il se débrouille pour trouver une activité rémunératrice. Pour une grande part les enfants vont à l’école; sinon ils jouent en bandes dans les cours et les rues. Très tôt, il s’efforcent de participer à cette quête de revenu et aux activités domestiques. La travail domestique de la femme en milieu urbain est très différent de celui de la brousse. des champs. générale, la femme identifiée à son rôle reproducteur et à son ménage, est confinée au foyer. Elle n’a plus ni corvée de bois ni travaux Elle se consacre à la cuisine et à ses enfants.  Elle peut disposer d’une certaine autonomie Autrefois, en ville, le travail féminin signifiait que le mari était incapable de subvenir aux besoins de sa femme, mais, la dégradation des conditions de vie est telle que les femmes rivalisent d'imagination pour trouver une occupation qui leur permette de participer au revenu familial et d’avoir, de ce fait, une certaine indépendance financière. Les activités effectuées par les femmes se concentrent essentiellement dans le petit commerce (vente de beignets, d’arachide, de fleurs ...). Ce type d’activité apparaît chez les femmes 1 partir de 30 ans (9,5% des femmes) et devient de plus en plus fréquent avec l’âge (25% des femmes de 50 à 54 ans). Peu de femmes (6% environ) obtiennent des emplois salariés (conserverie, fabrication, personnel de maison ... ) à l’exception de celles qui ont repris une formation supérieure (secrétariat, secteur para-médical ...) mais dont le nombre est extrêmement restreint.  Compte-tenu des structures de l’emploi et des activités à Dakar des estimations de revenu ont pu être faites pour les ménages. On peut considérer que la grande majorité des familles n’a pas un revenu mensuel dépassant 15.000 FCFA par mois. à diminuer au cours des dix dernières années. ,qui représentent une minorité, le revenu oscille autour de 50.000 FCFA. Ce revenu par contre tend à augmenter régulièrement -  Cependant l’entraide familiale est un phénomène important en ville; il se trouve toujours un oncle ou un cousin plus aisé qui peut soulager les plus démunis. membres de la famille moins aisés, ce qui établit une certaine redistribution des revenus. Ainsi un ménage qui a de l’argent attire d’autres Les dépenses alimentaires sont compressées au maximum au profit d’éléments de prestige, en particulier le vêtement et certains produits manufacturés (vélo à moteur, voiture, réfrigerateur ... La confrontation permanente, beaucoup plus forte en ville qu’en brousse, fait que les éléments de prestige féminin revêtent une importance toute particulière. Le paraître est une préoccupation constante qui se reflète dans l’achat de tissus, de perruques, de parfum, etc. ...



16/05/2017
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