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Il n'est pas de montagne plus haute que les marches de l'oubli

Un réveillon 2018-2019 en pleine brousse

Les fins d'année en Afrique sont différentes de celles d'Europe.

 

D'abord le climat: la saison des pluies s'en est allée avec les derniers moustiques, les soirées sont fraîches avec une chute de quelque 10 degrés sur les températures diurnes, de 28 à 18°... les " noirs " s'emmitouflent dans des pulls à bonnets relevés, ici et là, des braseros de fortune en pleine ville éclairent les trottoirs de sable.

 

Ensuite, l'ambiance de la petite ville de Saly, les gros carlingues des compagnies touristiques n'ont cessé depuis novembre d'amener des flots de "touristes européens" On les reconnaît très vite ici à la couleur de leur peau, aux ventres bedonnants et aux petits sacs en bandoulière des maris et aux visages émaciés et ridés des vieilles françaises sur le retour. Dès leurs premières sorties en famille, des africains les accostent gentiment pour leur servir de guide et répondre à toutes leurs demandes quelles qu'elles soient. On les appelle ici : "les antiquaires". Il s'agit très souvent de gens peu scrupuleux qui ne courtisent que l'espoir de monnayer tous leurs services en trompant les crédules. Ils mentent comme des "noirs churpots" (une excursion de pêche en mer ira parfois même jusqu'à se payer 30.000 Cfa (45 euros) par personne alors que le prix payé par l'antiquaire au pêcheur est de 4.000 Cfa (6 euros).. Parfois des antiquaires nous confondent avec ces touristes: le traquenard est vite réglé!

 

Et puis la prostitution refait surface, les prostituées reparties vers Dakar en mars au retour des européens redescendent sur Saly en groupe pour de nouvelles conquêtes, exactement comme la migration des hirondelles.

 

Les vieux célibataires que nous sommes et qui vivons ici à l'année ne retrouvons plus nos rencontres amicales car nous nous connaissons tous les uns les autres et nous voici submergés par une armée de "blancs".

 

Les boîtes de nuit, désertées en saison des pluie, sont à nouveau bondées à craquer, chacune a ses sorteurs qui veillent à la sécurité nocturne. Ici, chaque établissement - banques - restos - échoppes ...- à son gardien de nuit. Parfois même, on aperçoit des gardiens qui veillent sur des immeubles vides...

 

Et puis les prix ont monté en flèche, les touristes européens ne connaissent pas la pratique ancestrale du "waccale" qui consiste à toujours discuter le prix et qui est de mise, même entre sénégalais...

C'est ainsi que les menus de réveillon se payent au prix fort comme en Europe, on voit des menus qui oscillent entre 50 et 100.000 Cfa par personne (75 et 150 euros)

 

Avec mon ami André le Bruxellois, sur une table du restaurant "Chez Marie", nous avions trouvé une pub de menu de réveillon au prix de 10.000 Cfa (15 euros) par personne.., beaucoup s'en détournèrent et nous décidons d'aller prospecter cet endroit en pleine brousse le dimanche précédent le nouvel an.

 

Il nous fallut bien du talent pour dénicher ce coin perdu de Malicounda à quelques 12 kilomètres de Saly. Après avoir roulé sur la grand-route de Mbour vers Dakar, nous nous enfilons dans une route en réfection, droite comme un cierge de Pâques, normalement, dès l'entrée du village, nous devions prendre à droite au 5ème dos d'âne, mais il y a ici des dos d'âne qui n'en sont pas et après moult tergiversations, nous nous enfilons à travers une place de village qui conduit à une piste de brousse envahie de toutes parts par des ornières de sable. La piste est si étroite qu'elle ne s'ouvre qu'à un seul véhicule dans un seul sens. Elle est jonchée d'interminables lacets et finalement, nous débouchons sur une minuscule place de village, notre endroit est facilement repérable grâce à son entrée garnie de guirlandes colorées. Nous sommes accueillis par le patron, un français qui connaît bien la ville de Mons et sa jeune femme noire, belle et stylée. Une grande demeure bordée d'une grande cour peuplée d'arbres fruitiers de toutes sortes, des tables en rond ça et là, nous nous attablons et un verre d'accueil nous est offert, les questions d'André fusent de toutes parts, nous apprenons que Guy et Abi tenaient un resto à Mbour qu'ils viennent de vendre pour se retirer dans cet endroit perdu de brousse, ils vivent d'élevage, de culture et de leur restaurant de fortune. Notre interrogation est de pouvoir atteindre ce chemin tortueux de nuit, on nous dit qu'il sera balisé de lampions. Nous décidons de réfléchir tout en ayant apprécié la chaleur de leur accueil et leur simplicité.

 

Dans la semaine qui précède, autour d'une verre "Chez Marie", André et moi décidons de tenter l'aventure, le rendez-vous est fixé à 20h30 à Saly-Joseph. 

C'est à ma villa le 31 décembre vers 20h30 que notre aventure commence...

Nous sommes 5 : André, son ami Zale footballeur, El Hadji, Kamou (mon prof de wolof) et moi...

André conduit une petite voiture dans laquelle nous nous entassons.

Direction le grand rond-point de Mbour, à gauche, direction Dakar sur la 2 bandes, après 2 kilomètres, à droite vers Malicounda. La route en réfection n'est pas éclairée, il est question de se faufiler entre les différentes pré-couches de bitume, les premières habitations apparaissent, les premiers dos d'âne aussi, il nous faudra faire plusieurs demi-tours pour retrouver la petite place du village et enfin! nous engager dans la piste de sable. Les ornières sont difficilement repérables, si on s'en écarte, c'est l'embourbement assuré, c'est fait, la voiture patine, l'accélération du moteur fait pire, le sable cogne la coque, il faut sortir, soulever l'engin et pousser puis se re-faufiler un à un à l'intérieur en plein vol. Si l'on s'arrête, les mêmes manoeuvres sont à recommencer. Bref après 2 embourbements successifs, nous débouchons sur la petite place du village où notre véhicule "cale" pour la troisième fois.

Cela me rappelle les routes enneigées de mon enfance sorinnoise.

 

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Le patron nous accueille à l'entrée, un petit orchestre de djembe distille l'ambiance africaine, une trentaine de convives sont déjà installés par table de réservation, notre table nous attend sous le manguier. La fraîcheur du soir nous tombe dessus, heureusement, à côté de nous, un feu de branchilles  crépite d'étincelles virevoltantes et nous réchauffe. Ambiance!

L'apéro sera servi dans une grande cruche de verre : mélange de fruits exotiques au rhum antillais.

L'ambiance est bon enfant, des regards furtifs nous parviennent des tables annexes car nous sommes 5 compères, les seuls à n'être pas accompagnés de la gente féminine...

 

Le plat d'entrée est servi: riz de veau sur un lit de carpaccio, un délice sauf pour El Hadji qui est super exclusif dans son alimentation.

Des couples dansent sur le sable entre les ombres fantasmagoriques des manguiers. La seconde entrée arrive: des gambas géantes de l'océan cuites sur feu de bois sur un lit de salades et de fruits. 

Nous n'avons pas résisté à prendre du vin rosé "Reflets de France" sauf deux d'entre nous, musulmans pratiquants qui s'abreuvent au coca et au sprite sucré. Les heures tournent et vers les 23 heures, nous avons une petite pensée pour nos familles belges qui sont déjà en 2019.

 

Le plat de résistance est servi: escalope de veau avec tranche de foie gras, succulent.

Le dessert sera une crêpe bretonne garnie de glace au citron...

 

Minuit approche et comme partout, l'ambiance monte pour culminer aux douze coups d'horloge, les tables et les convives se mélangent à tel point que pour certains, il est devenu difficile de retrouver sa propre table...

L'addition est de 77.000 Cfa ( 116 euros/ 23 euros/personne...boissons comprises.

 

Mes photos manquent de flash...

 

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Vers les trois heures, un nouveau supplice nous attend, le long et sinueux chemin de brousse et ses ornières... Toute conduite prudente n'est pas de mise, il ne faut faire preuve d'aucune hésitation pour rouler entre les hautes ornières de sable. Sans encombres, nous atteignons la place du village à moitié endormie, là, virage trop long raté, le véhicule s'empale sur un bout de trottoir en béton, bruit de ferraille, le tuyau d'échappement en a prit un sale coup. Sortie de voiture et poussée vers l'arrière, le moteur tourne toujours, la grand-route est devant nous, l'allure se ralentit, la prudence redevient de mise au grand carrefour, foules bigarrées de fêtards des 2 côtés, l'entrée de Saly est bloquée par la gendarmerie, nous voici astreint à repartir vers Ngeykokh Ngaparou et Saly dans l'autre sens (36 kilomètres)

Il est près de quatre heures, El Hadji dormira chez moi pour un repos bienfaiteur. Bonne Année!

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 



05/01/2019
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